Fils bien-aimé, proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, encourage mais avec patience et souci d’instruire. (2 Tm 4, 2)

Philippe (@phorterb)

jeudi 2 juin 2016

La vraie nature du péché

Si je cédais à la facilité du paradoxe, je dirais que la première condition à remplir pour pouvoir commettre un péché, c’est d’être un bon chrétien. Le Saint-Père établit en effet une distinction très nette entre péché et corruption(1). La corruption est un péché érigé en système, pleinement assumé : la corruption n’est pas une action, mais un état, un état personnel et social, dans lequel on prend l’habitude de vivre (op. cit. p. 104). En ce sens, un “bon chrétien” peut pêcher mais il ne peut pas être corrompu. Le corrompu a, en quelque sorte, vendu son âme au diable et, de ce fait, il échappe au débat sur le péché qui ne le concerne plus, à moins qu’il ne change radicalement de vie. Il est ici question de péché et non pas de corruption.


Photo : www.LumoProject.com

Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ou encore, Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. (Matthieu 6,12). Je me sens tout à fait disposé, par principe, à pardonner à ceux qui m’auraient offensé mais, même en cherchant bien, je ne parviens pas à trouver un seul cas de ce type. Je n’ai aucun souvenir d’une personne qui m’aurait offensé. Il m’est certes arrivé, comme tout un chacun, de subir tel ou tel préjudice plus ou moins grave ou d’être atteint par telle ou telle parole blessante. Parmi les exemples qui me viennent à l’esprit, je ne vois toutefois que des personnes qui ont agi sans mauvaises intentions, sans s’en rendre compte, par inconscience, à cause de leur pathologie dans un cas précis auquel je pense, des personnes qui ont, à la rigueur, manqué de jugement ou de discernement, ou qui ont agi parfois par simple stupidité. Les pardonner, ça veut dire quoi ? Me sentir offensé, ça veut dire quoi ? Qui suis-je pour juger qu’il y a eu offense ? Je peux imaginer des situations qui relèveraient peut-être de l’offense mais, par expérience personnelle, je n’en ai jamais vécu. J’ai la chance de n’avoir jamais été, par exemple, trahi par une personne en qui j’avais placé ma confiance. Il est vrai que je n’accorde pas facilement ma confiance…


Mais les offenses que j’ai moi-même commises, qu’en est-il ? Comment ai-je personnellement péché ? Sans doute, très classiquement, à la manière de l’apôtre Paul :
Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans l’être de chair que je suis. En effet, ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir.
Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas.
Si je fais le mal que je ne voudrais pas, alors ce n’est plus moi qui agis ainsi, mais c’est le péché, lui qui habite en moi. Romains (7, 18-20)


Plus concrètement, je peux succomber à la tentation, et donc au mal, de trois manières différentes :
  • J’arrive à me convaincre (à plus ou moins bon escient) que ce supposé mal n’est pas vraiment un mal. Ce cas est assez fréquent. Lorsque mon jugement est juste, il n’y a heureusement aucun péché. S’il est borderline, voire pire, c’est plus ennuyeux.
  • Je décide délibérément de passer outre, de succomber à la tentation. Cela peut aussi m’arriver mais c’est plutôt rare à cause du troisième et dernier cas.
  • Je renonce à la tentation afin de me préserver de la vilaine tache que ferait le péché sur l’image flatteuse (peut-être excessivement flatteuse) que je me fais de moi. Je ne renonce donc au péché que pour tomber dans un autre péché, plus grave encore peut-être, celui de l’orgueil. Personnellement, je fais ça hélas très fréquemment mais j’ai un truc pour m’en sortir. Je règle tout simplement la question de l’orgueil selon le cas n° 1. Il me suffit pour cela de remplacer le mot “orgueil” par le mot “honneur” et le tour est joué. C’est de l’humour, bien entendu, mais à défaut d’être très saint, je trouve tout cela plutôt sain ! Si l’honneur vous paraît être un concept trop pompeux, remplacez-le par l’estime de soi. Ça marche aussi. Péché ou pas, à mon avis, on ne peut pas vivre sans s’admirer un peu soi-même. Enfin, dans mon cas, c’est impossible et je n’ai même pas envie d’essayer. Je sais bien que la honte est très tendance ces temps-ci, mais ce n’est décidément pas ma tasse de thé ! Ce qui me rassure, c’est qu’en matière d’humilité, Saint Paul lui-même n’est pas toujours au top du top non plus : Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle. Je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur…  2 Timothée (4, 7-8) - Bravo !


Ayant dit tout cela, histoire de planter le décor, nous avons pour l’instant complètement esquivé la question la plus centrale, fondamentale, monumentale, essentielle, la seule qui vaille : celle du discernement. Comment distinguer le bien du mal ?

(à suivre, prochainement sur ce blog…)


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1 - Le nom de Dieu est Miséricorde (op. cit.)  Chapitre VII : Pêcheurs, oui, corrompus, non




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