Fils bien-aimé, proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, encourage mais avec patience et souci d’instruire. (2 Tm 4, 2)

Philippe (@phorterb)

vendredi 22 juillet 2016

L'examen de conscience

Sachez que ma conscience est une bonne fille avec qui je m’arrange toujours.
(réplique de Churchill(1) à De Gaulle au cours d’un déjeuner)


Vivre, c’est décider. À longueur de journée, nous ne cessons de prendre des décisions. Décider de faire, de ne pas faire, d’investir notre temps ici ou là, de parler, de se taire… La vie contemporaine nous incite d’ailleurs à décider de plus en plus vite et souvent hélas, par là même, de plus en plus superficiellement. Rien de surprenant à ce qu’il y ait des dérapages ! Cela ne nous dispense pas d’assumer la responsabilité de nos décisions devant Dieu et devant les hommes mais surtout devant notre conscience, c’est à dire devant nous-mêmes.
Mais qui sommes-nous ? Les Écritures et la tradition distinguent volontiers l’esprit, l’âme et le corps. Si le corps se laisse concevoir d’une manière assez intuitive, pour l’esprit et pour l’âme, c’est une autre paire de manches. Dans la théologie paulinienne, on trouve aussi quelques arguties sur la chair et l’esprit. Je ne parle même pas du cœur… Laissons tous ces concepts à leurs doctes spécialistes(2). Nous nous contenterons ici du schéma ci-dessous, sans doute béotien, mais plus accessible.





Lorsque je parle de moi, je fais d’abord référence à un être spirituel, c’est à dire relié à Dieu. Dieu n’est certes pas, quoi qu’on en dise, toujours joignable facilement. C’est pourtant ce moi spirituel que j’entends mettre en avant, face à un moi rationnel et à un moi psychique, tous deux mieux connus. Cette facilité n’a évidemment rien de canonique : nouvelle fausse note de ma part ! Mais elle permet tout de même de clarifier un peu le propos. En pratique, mes décisions seront évaluées à l’aune de ces trois êtres, spirituel, rationnel et psychique car aucun des trois ne supporte d’être maltraité ou négligé. Je ne peux pas me couper de Dieu. Je ne peux pas non plus ― qu’elle se fourvoie ou non est un autre débat ― agir contre la raison. Je ne peux enfin pas faire violence à mon être psychique car il ne manquerait pas de riposter avec les armes redoutables dont il dispose : l’acte manqué, la névrose, la dépression… Je dois également prendre soin de mon corps car il est le véhicule qui assure ma présence physique en ce monde. L’apôtre Paul lui-même nous y invite.
Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin. C’est ce que fait le Christ pour l’Église,
Éphésiens 5, 29


L’examen de conscience est une évaluation a posteriori de mes décisions. Cette évaluation tient compte des besoins des différentes entités dont je suis composé. Elle fait appel au discernement sous le double éclairage de l’éthique de conviction et de l’éthique de responsabilité. La transgression des règles, nous l’avons vu, peut trouver sa justification dans les conséquences futures ou immédiates de cette transgression.


L’évaluation est à mener le plus objectivement possible, sans complaisance, ni excès de scrupule. Attention à la charge émotive : c’est un indicateur peu fiable qui ne fait généralement que parasiter l’analyse sereine et rationnelle d’un cas. C’est pourquoi, déférence gardée envers le Saint-Père, je ne m’aventure jamais sur la pente savonneuse qui pousse au sentiment de honte. La honte est une toxine excessivement dangereuse pour l'être psychique qui doit au contraire être nourri par l’estime de soi et par l’honneur. L’honneur est un bon outil d’évaluation. Ai-je agi d’une manière honorable ou non ? Cette simple question est loin de tout résoudre mais elle est souvent structurante.


La Bible décrit de nombreuses situations de péché qui sont autant d’études de cas propres à nourrir notre réflexion, le péché de David par exemple : 2 Samuel 12, 7-10.13. Non seulement le roi David prend la femme d’un soldat mais, pour la garder, il fait en sorte que ce soldat soit tué au combat ! Dans un tel cas, il n’y a tout de même pas à déployer beaucoup de subtilité pour arriver à la conclusion que ce n’est pas bien ! Ce péché paraît, à nos yeux, absolument monstrueux, énorme, déshonorant. À côté de ce crime de salaud, même le reniement de Pierre fait pâle figure : au fond, lui n’avait, réaction à chaud presque excusable, fait que sauver sa peau au prix d’un mensonge. Une récente homélie(3) m’a ouvert des horizons nouveaux sur ce péché de David. Le prédicateur notait que le comportement de David était celui que pouvait assez spontanément s’offrir un souverain de l’époque. Je suis le roi d’Israël, je fais ce que je veux… Bref ! Il est parfaitement envisageable que David ait péché sans en avoir véritablement pris toute la mesure. Dans la typologie que je proposais sur la vraie nature du péché, le péché de David relèverait donc du cas n°1 : J’arrive à me convaincre (à plus ou moins bon escient) que ce supposé mal n’est pas vraiment un mal. De là à penser que j’aie pu moi-même pécher sans m’en rendre compte, il n’y a qu’un pas : Il faudra que je prenne le temps d’y songer !
Enfin, pour terminer sur une note plus légère, sachons écarter les broutilles. Elles ne méritent, ni notre temps, ni notre énergie. Et surtout, n’importunons pas Dieu à ce sujet. Il a bien d’autres choses à faire que de s’occuper de telles billevesées. Je n’ai pas été très aimable avec Mme Michu. C’est sans doute regrettable. J’espère que cette brave dame s’en remettra. Comment pourrait-il en aller autrement ? Mme󠀠 Michu, secrètement amoureuse de moi, serait accablée par son infortune sentimentale ? Ou encore, Mme Michu, affligée d’une fragilité psychologique à fleur de peau, serait mortifiée par mon irrévérence ? Dans l’un et l’autre cas ー je n’en imagine guère d’autres ー les souffrances de Mme Michu ne découlent pas de mon comportement au point que je doive m’en accuser. Si j’avais agi volontairement, en pleine connaissance des vulnérabilités de Mme Michu, dans le but de la faire souffrir sciemment, il en irait certes autrement. Pour me laisser aller à une telle cruauté, il faudrait toutefois que mon esprit soit bien égaré. Ma culpabilité s’en trouverait alors atténuée d’autant.

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1 - Max GALLO - De Gaulle, La solitude du combattant - 1940-1946 - Ed. Robert Laffont p. 188
2 - Ceux qui tiennent absolument à s’accrocher trouveront, par exemple, matière à satisfaire leur légitime curiosité intellectuelle sur le site Théologie du corps.
3 - Dimanche 12 juin 2016 - Notre-Dame de Versailles - P. Gaultier de Chaillé, vicaire - @Gdechaille



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