Fils bien-aimé, proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, encourage mais avec patience et souci d’instruire. (2 Tm 4, 2)

Philippe (@phorterb)

jeudi 14 février 2019

Jésus et le populisme

Bosch Ecce Homo


Le populisme, celui du Brexit, celui qui ronge l’Italie et qui aujourd’hui s’attaque à la démocratie représentative en vue de confisquer la liberté des Français, Jésus ne le connaît que trop. Déjà, devant le palais de Pilate, on réclamait la libération de Barabbas. La populace braillait son slogan : « Crucifie-le ! ». Les choses iront, comme on sait, jusqu’à leur terme, jusqu’à cette parole de Jésus, inouïe :
— Père ! Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font !

Mais aujourd’hui ? Quelle posture adopter pour un chrétien ? D’aucuns, comme en témoigne un récent article(1) de l’hebdomadaire "La Vie", ont fait le choix discutable d’aller hurler avec les loups. D’autres se contentent d’imiter Jésus en se taisant. D’autres enfin, à l’instar de l’apôtre Pierre tranchant l’oreille de Malchus avec son épée, sont submergés par leur colère et sont sur le point de riposter à la violence par la violence.

Comment analyser la situation actuelle avant de choisir son camp ? Le mouvement a été lancé avec une telle habileté que je peine à imaginer que cette stratégie n’ait pas eu de stratège. Sous l’affichage de thèmes à la fois consensuels et charitables, on a mobilisé tous ceux qui peu ou prou estimaient que leurs revenus n’étaient pas suffisants ou que leur place dans la société n’était pas assez reluisante. Ça fait du monde ! Comment ratisser plus large ? Qu’il n’y ait aucun projet politique, ni économique, derrière tout ça n’a troublé personne. La distribution au bon peuple de la fortune des riches était un Credo suffisant. À son début, plus de 80 % des Français – paraît-il – ont cru bon de soutenir le mouvement. En toute naïveté, ils ont par là-même fourni l’assise populaire qui manquait à un projet aussi absurde que mortifère ; ils sont devenus aveugles à la violence, aux visées séditieuses, au racisme comme à un antisémitisme qu’ils avaient un peu trop vite circonscrit au seul monde arabe. La peur a pris le relais. Chez les journalistes, à cause de multiples agressions dont certains ont été victimes. Chez les élus, pour des raisons analogues ou par crainte de manquer l’aubaine d’un gisement potentiel de suffrages. Chez les automobilistes pris en otages, contraints de signer un soutien au mouvement, d’en arborer le signe distinctif, rackettés parfois. Si par malheur cette engeance accédait au pouvoir, on imagine bien ce qu’il adviendrait de nos libertés et de notre économie… Chacun comprendrait enfin, trop tard hélas, le sens réel des mots brandis à tort et à travers aux Champs-Élysées : « pauvreté », « misère », « dictature »…

Il est temps maintenant de nous reposer la question de l’attitude chrétienne à tenir face à cette menace. En matière de discernement, je reste fidèle à la double approche plusieurs fois abordée (2) ici : celle qui croise éthique de conviction et éthique de responsabilité.

Que nous dit l’éthique de conviction ? Le respect de la personne, quelle qu’elle soit, s’impose. Jésus ne se contente pas de respecter, il offre son amour. Même hors de notre portée, cette posture divine doit nous habiter. De même, ne jugeons pas les personnes. Nous pouvons, et même devons, juger des actes et des comportements mais nous ne devons jamais juger des personnes. Il ne s’agit pas seulement d’un principe, c’est la reconnaissance de la conscience de chacun. La plupart des acteurs de la crise populiste ne sait pas ce qu’elle fait, pourrait-on dire en écho à la parole de Jésus. Beaucoup sont sincères et croient œuvrer pour le meilleur. Nous avons le devoir – un devoir parfois bien lourd à porter… – de ne céder vis-à-vis d’eux, ni au mépris, ni à la colère.

Que nous dit enfin l’éthique de responsabilité ? D’abord, ne nous rendons pas complices du mal commis. Pour le bien commun, faisons tout ce qui est à notre portée pour préserver la démocratie et les institutions, du moins tant que personne n’aura de meilleur projet. Ayons soin en cela ne ne rien faire qui soit de nature à ériger les factieux en martyrs, ni même à les victimiser. Au-delà de cette attitude conservatoire, qui n’est qu’un minimum vital, pourquoi un chrétien s’interdirait-il de s’exprimer, voire d’investir le champ politique ? Reste à savoir de quelle manière, avec quelle pertinence… Voilà qui dépasse très largement le cadre de cet article. Bornons-nous donc à énoncer ici quelques aphorismes. À chacun d’en faire l’usage qu’il voudra.

Au plan économique :
- Avant de partager la richesse, il faut la créer. Or, pour la créer, deux ingrédients sont indispensables : un marché et des investisseurs.
- Les capitaux s’investissent en priorité là où un cadre favorable leur est offert en termes de rentabilité, de stabilité politique et de sécurité.

Au plan sociétal :
- La laïcité se conçoit comme garantie donnée à chacun de pratiquer librement sa religion sans être inquiété.
- Face au drame de la banalisation de l’avortement, la liberté d’expression et la clause de conscience doivent être préservées, l’aide aux mères célibataires qui souhaitent garder leur enfant, développée.
- Le mariage pour tous, la PMA et son corollaire la GPA, sont des actes contre nature qui minent la cohésion sociale et préfigurent de grandes souffrances.
- Les flux migratoires font évoluer l’identité de la France et favorisent l’islamisation de la société mais la menace de la charia est-elle pire que celle de la dictature des séditieux qui, pour la plupart, sont pourtant des français « de souche » et qui s’en flattent ?
- Les armes les plus efficaces pour lutter contre l’obscurantisme ambiant sont la formation, l’éducation, la culture, la spiritualité et tout ce qui peut favoriser l’émergence d’une pensée.

Au plan écologique :
- Priorité à la santé publique.
- La vision du long terme doit prévaloir sur la vision à court terme mais selon un équilibre cependant réaliste.
- Économie et écologie ne peuvent progresser que par une démarche conjointe qui s’écarte de l’idéologie pour se tourner vers la science et la technologie.

Et au plan socio-politico-administratif ?
Là, il y a sans doute encore quelques progrès à faire mais le « Grand Débat » n’est-il pas là pour ça ?


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1 - Appel pour un nouveau catholicisme social, La Vie, 9 janvier 2019
2 - Utiliser la fonction de recherche de ce blog (fenêtre située en haut à gauche de la page) pour sélectionner les articles qui comportent le mot « éthique ».

Illustration : Ecce Homo - Jérôme Bosch - 1557 - Philadelphia museum of art

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