Fils bien-aimé, proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, encourage mais avec patience et souci d’instruire. (2 Tm 4, 2)

Philippe (@phorterb)

vendredi 17 mai 2019

Fermeture de LA FAUSSE NOTE

Après trois années d’existence, 
ce blog a été définitivement fermé 
à compter du dimanche 26 mai 2019.


lundi 6 mai 2019

Garder l'espérance

Par delà les souffrances endurées, les épreuves que nous traversons, aussi cruelles soient-elles, ne doivent jamais compromettre notre espérance.
Photo by o.mabelly on Foter.com / CC BY-NC

Cléophas, l’un des pèlerins d’Emmaüs, vient d’assister au supplice de Jésus. Le déchaînement de violence, la barbarie, l’injustice, dont il a été témoin, représentent pour lui une immense déconvenue. Sans cacher son amertume, il donne libre cours à sa déception, à sa désillusion :  
Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. (Luc 24, 21)
Depuis cet épisode, combien de drames et de monstruosités sont-ils venus émailler l’histoire de ces deux derniers millénaires ? Est-il besoin de les rappeler ? Mais la puissance de Dieu, sa capacité à guérir les plaies, à faire advenir un bien à partir des pires désastres, n’ont-elles pas toujours permis de surmonter ces épreuves ? Tel est le sens-même de la Paix du Christ. Tous, nous avons cependant en tête de ces cas où le prix à payer semble trop lourd pour que cette conviction demeure en nous. C’est pourtant précisément dans ces cas-là que Dieu nous appelle à croire contre toute espérance. C’est donc ainsi, encore aujourd’hui, que je m’efforce de conduire ma vie quotidienne. À ma petite échelle, j’ai encore, moi aussi, à me déposséder de telle ou telle illusion. À chaque fois, je suis incapable d’échapper à la souffrance, à cette perte d’une sorte de paradis perdu. Mais l’espérance ne me quitte pas. Elle ne me quitte, ni devant notre liberté menacée, ni devant l’expansion de l’obscurantisme, ni devant une Église dévastée, déconsidérée et persécutée, ni devant la ruine d’une cathédrale que je croyais invulnérable, ni même devant mes propres zones d’ombre.


jeudi 14 mars 2019

Pour un carême sans effort


Photo by Erminig Gwenn on Foter.com / CC BY-NC-ND

J’ai dans l’idée qu’il faut commencer par regarder autour de nous ce que nous pouvons faire de bien avant de nous inquiéter de nous changer nous-mêmes et que cette ouverture et cet engagement au service des autres sera source de renouvellement pour nous-mêmes. Où suis-je attendu ? Où sommes-nous attendus ensemble ?… En ce Carême 2019 ? Où dans notre vie quotidienne ? Où dans l’Église éprouvée ? Où dans la paroisse qui vit de l’eucharistie et de la mission ? (Père Pierre Delort-Laval, curé de la paroisse N.-D. De Versailles – Feuille « Paroissiales » du 10 mars 2019)

Ces quelques mots simples et accessibles à tous donnent une orientation claire, concrète et opératoire. Voilà le type de discours que l’Église devrait plus souvent tenir. Je ne peux m’empêcher de rapprocher cette parole de certaines positions bienfaisantes du pape, par exemple lorsqu’il écrit : Même dans les cas les plus difficiles, où l’on est tenté de faire prévaloir une justice qui vient seulement des normes, on doit croire en la force qui jaillit de la grâce divine. (Pape François - Lettre apostolique « Misericordia et misera » signée le 20 novembre 2016 à l’occasion de la clôture du jubilé de la miséricorde)

Alors, le jeûne, la prière et l’aumône… Pourquoi pas ? Mais à condition que ces pratiques aient un sens. Sacrifice, pénitence, discipline, renoncement, privations… Ces mots laissent le champ libre à trop de regrettables dérives orgueilleuses ou masochistes. Pour ma part, je préfère admettre mon incapacité à suivre Jésus dans sa radicalité et me contenter de faire ce qui est à ma portée pour essayer d’être utile comme le P. Delort-Laval nous y invite.

Se détourner des vanités n'est pas une injonction que les chrétiens devraient respecter à force de volonté, c'est l'aspiration facile et spontanée du chrétien qui progresse sur le chemin du combat spirituel. Le renoncement n’a atteint sa pleine authenticité que lorsqu’il n’exige plus aucun effort(1). Un sacrifice est une offrande faite à Dieu pour manifester l’amour que nous lui portons et non pas une obligation accomplie pour être en règle avec lui. Que nous offrions à Dieu notre louange (He 13, 15), nos biens (He 13, 16) ou nos corps (Ro 12, 1), que ce soit à la manière d’un prétendant qui fait présent d’un cadeau à l’objet de ses amours et non pas à la manière d’un contribuable qui paie ses impôts en pestant contre le fisc.

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(1) Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. (Mt 11, 30)



jeudi 14 février 2019

Jésus et le populisme

Bosch Ecce Homo


Le populisme, celui du Brexit, celui qui ronge l’Italie et qui aujourd’hui s’attaque à la démocratie représentative en vue de confisquer la liberté des Français, Jésus ne le connaît que trop. Déjà, devant le palais de Pilate, on réclamait la libération de Barabbas. La populace braillait son slogan : « Crucifie-le ! ». Les choses iront, comme on sait, jusqu’à leur terme, jusqu’à cette parole de Jésus, inouïe :
— Père ! Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font !

Mais aujourd’hui ? Quelle posture adopter pour un chrétien ? D’aucuns, comme en témoigne un récent article(1) de l’hebdomadaire "La Vie", ont fait le choix discutable d’aller hurler avec les loups. D’autres se contentent d’imiter Jésus en se taisant. D’autres enfin, à l’instar de l’apôtre Pierre tranchant l’oreille de Malchus avec son épée, sont submergés par leur colère et sont sur le point de riposter à la violence par la violence.

Comment analyser la situation actuelle avant de choisir son camp ? Le mouvement a été lancé avec une telle habileté que je peine à imaginer que cette stratégie n’ait pas eu de stratège. Sous l’affichage de thèmes à la fois consensuels et charitables, on a mobilisé tous ceux qui peu ou prou estimaient que leurs revenus n’étaient pas suffisants ou que leur place dans la société n’était pas assez reluisante. Ça fait du monde ! Comment ratisser plus large ? Qu’il n’y ait aucun projet politique, ni économique, derrière tout ça n’a troublé personne. La distribution au bon peuple de la fortune des riches était un Credo suffisant. À son début, plus de 80 % des Français – paraît-il – ont cru bon de soutenir le mouvement. En toute naïveté, ils ont par là-même fourni l’assise populaire qui manquait à un projet aussi absurde que mortifère ; ils sont devenus aveugles à la violence, aux visées séditieuses, au racisme comme à un antisémitisme qu’ils avaient un peu trop vite circonscrit au seul monde arabe. La peur a pris le relais. Chez les journalistes, à cause de multiples agressions dont certains ont été victimes. Chez les élus, pour des raisons analogues ou par crainte de manquer l’aubaine d’un gisement potentiel de suffrages. Chez les automobilistes pris en otages, contraints de signer un soutien au mouvement, d’en arborer le signe distinctif, rackettés parfois. Si par malheur cette engeance accédait au pouvoir, on imagine bien ce qu’il adviendrait de nos libertés et de notre économie… Chacun comprendrait enfin, trop tard hélas, le sens réel des mots brandis à tort et à travers aux Champs-Élysées : « pauvreté », « misère », « dictature »…

Il est temps maintenant de nous reposer la question de l’attitude chrétienne à tenir face à cette menace. En matière de discernement, je reste fidèle à la double approche plusieurs fois abordée (2) ici : celle qui croise éthique de conviction et éthique de responsabilité.

Que nous dit l’éthique de conviction ? Le respect de la personne, quelle qu’elle soit, s’impose. Jésus ne se contente pas de respecter, il offre son amour. Même hors de notre portée, cette posture divine doit nous habiter. De même, ne jugeons pas les personnes. Nous pouvons, et même devons, juger des actes et des comportements mais nous ne devons jamais juger des personnes. Il ne s’agit pas seulement d’un principe, c’est la reconnaissance de la conscience de chacun. La plupart des acteurs de la crise populiste ne sait pas ce qu’elle fait, pourrait-on dire en écho à la parole de Jésus. Beaucoup sont sincères et croient œuvrer pour le meilleur. Nous avons le devoir – un devoir parfois bien lourd à porter… – de ne céder vis-à-vis d’eux, ni au mépris, ni à la colère.

Que nous dit enfin l’éthique de responsabilité ? D’abord, ne nous rendons pas complices du mal commis. Pour le bien commun, faisons tout ce qui est à notre portée pour préserver la démocratie et les institutions, du moins tant que personne n’aura de meilleur projet. Ayons soin en cela ne ne rien faire qui soit de nature à ériger les factieux en martyrs, ni même à les victimiser. Au-delà de cette attitude conservatoire, qui n’est qu’un minimum vital, pourquoi un chrétien s’interdirait-il de s’exprimer, voire d’investir le champ politique ? Reste à savoir de quelle manière, avec quelle pertinence… Voilà qui dépasse très largement le cadre de cet article. Bornons-nous donc à énoncer ici quelques aphorismes. À chacun d’en faire l’usage qu’il voudra.

Au plan économique :
- Avant de partager la richesse, il faut la créer. Or, pour la créer, deux ingrédients sont indispensables : un marché et des investisseurs.
- Les capitaux s’investissent en priorité là où un cadre favorable leur est offert en termes de rentabilité, de stabilité politique et de sécurité.

Au plan sociétal :
- La laïcité se conçoit comme garantie donnée à chacun de pratiquer librement sa religion sans être inquiété.
- Face au drame de la banalisation de l’avortement, la liberté d’expression et la clause de conscience doivent être préservées, l’aide aux mères célibataires qui souhaitent garder leur enfant, développée.
- Le mariage pour tous, la PMA et son corollaire la GPA, sont des actes contre nature qui minent la cohésion sociale et préfigurent de grandes souffrances.
- Les flux migratoires font évoluer l’identité de la France et favorisent l’islamisation de la société mais la menace de la charia est-elle pire que celle de la dictature des séditieux qui, pour la plupart, sont pourtant des français « de souche » et qui s’en flattent ?
- Les armes les plus efficaces pour lutter contre l’obscurantisme ambiant sont la formation, l’éducation, la culture, la spiritualité et tout ce qui peut favoriser l’émergence d’une pensée.

Au plan écologique :
- Priorité à la santé publique.
- La vision du long terme doit prévaloir sur la vision à court terme mais selon un équilibre cependant réaliste.
- Économie et écologie ne peuvent progresser que par une démarche conjointe qui s’écarte de l’idéologie pour se tourner vers la science et la technologie.

Et au plan socio-politico-administratif ?
Là, il y a sans doute encore quelques progrès à faire mais le « Grand Débat » n’est-il pas là pour ça ?


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1 - Appel pour un nouveau catholicisme social, La Vie, 9 janvier 2019
2 - Utiliser la fonction de recherche de ce blog (fenêtre située en haut à gauche de la page) pour sélectionner les articles qui comportent le mot « éthique ».

Illustration : Ecce Homo - Jérôme Bosch - 1557 - Philadelphia museum of art

dimanche 3 février 2019

Qu'est-ce que l'amour ?


On entend bien souvent assimiler l’amour et la charité. Il s’agit pourtant bien de deux choses distinctes sinon Saint Paul ne nous dirait pas :
J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. 
(1 Co 13, 3)
Mais alors, qu’est-ce que l’amour ? La définition se trouve dans la suite du texte (versets 4 à 7) :
L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ;
il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ;
il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ;
il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.
Ces extraits des textes de la liturgie de ce dimanche représentent bien une définition de l’amour. J’avais déjà cité ce passage, et m’en étais même effrayé, dans un précédent article sur le discernement. Je ne crois pourtant plus qu’il faille avoir peur de la radicalité qu'il exprime : celle-ci ne fait qu’indiquer un chemin.


samedi 26 mai 2018

Lettre ouverte à Dieu




Cher Dieu,

Peut-être devrais-je plutôt t’appeler « Seigneur », mais je crois qu’au fond tu t’accommodes de toutes les formules pour autant qu’elles soient dignes et respectueuses.
Tu ne cesses de m’entourer de tes prévenances. Interviens-tu personnellement dans le cours de mon existence ou bien as-tu chargé quelque collaborateur de veiller sur moi ? En tout cas, les événements arrivent si souvent à point nommé dans ma vie pour m’éviter de trébucher que je ne peux y voir que le fruit de ta bienveillance. Je t’en suis d’autant plus reconnaissant que, depuis le début de mon service terrestre – il y aura bientôt 67 ans de ça , je ne t’ai guère été très utile. Je crains même d’avoir plutôt été une charge pour toi. Malgré toutes tes mises en garde, je n’ai jamais vraiment aimé tes créatures. Non pas que je leur veuille du mal, non, je ne suis pas méchant, c’est juste que je préfère éviter de croiser leur chemin. Il faut dire que j’ai souvent eu du mal à savoir ce que j’avais à faire. Pour l’apôtre Paul par exemple, c’était plus simple. Ton Esprit lui disait ouvertement ce que tu attendais de lui. Et même, ça se passait sous forme d’échange : le Saint-Esprit et nous-mêmes avons décidé ceci ou cela… Parfois tu devais tout de même faire preuve d’autorité : nous voulions aller à tel ou tel endroit mais l’Esprit-Saint s’y est opposé… Pour ce qui me concerne, je dois me débrouiller tout seul, ce qui n’est pas toujours facile. Notre Sainte Mère l’Église ne m’aide pas beaucoup non plus, d’ailleurs tes serviteurs ne savent plus où donner de la tête. C’est comme ce blog, LA FAUSSE NOTE : j’ai lancé ça il y a 2 ans jour pour jour avec l’aide de Saint Philippe Néri – c’est sa fête aujourd’hui. Qu’il en soit vivement remercié. Lui et moi avons pris cette initiative dans le cadre de mon service terrestre en espérant t’être agréable mais je ne sais pas du tout ce que tu en penses au bout du compte.
Quand tu liras cette lettre – enfin façon de parler car depuis le début tu la lis par dessus mon épaule –, peut-être seras-tu irrité à mon égard. Pas trop j’espère. Je voudrais juste savoir si je dois continuer ce blog ou bien l’arrêter. Je te serais très reconnaissant si, d’une manière ou d’une autre, tu voulais bien accepter de me répondre ou de me faire répondre.
Je te promets d’essayer encore d’aimer mes semblables mais tu sais combien cela m’est difficile. Là aussi, un petit coup de pouce de ta part, ne serait-ce que par l’intermédiaire de tes services, me ferait beaucoup de bien.

Ton humble serviteur sur terre, le paroissien de base,
Philippe



mardi 21 novembre 2017

La vérité prévaut sur l'autorité

L’Église est-elle une hiérarchie, ou bien est-elle le peuple de Dieu ? Faute d’exercer son autorité, l’Église risquerait de sombrer dans la pagaille, mais dans un excès d’autorité, elle risquerait de sombrer dans la sclérose. Tel est le message du P. Henri Boulad, prêtre jésuite égyptien de 86 ans, dans l’homélie qu’il a prononcée à la cathédrale de Montréal en novembre 2017 : des propos dont la nature conforte à mes yeux la légitimité de ce blog. LA FAUSSE NOTE milite en effet pour la liberté de penser et la liberté d’expression du laïcat au sein même de l’Église, en toute charité, en tout respect mais en même temps en toute clarté.


Comme nous y invite le P. Boulad, méditons l’exemple de l’apôtre Paul (Galates 2, 11-14) qui n’hésite pas à s’opposer au pape de l’époque, le premier d’entre tous, Pierre lui-même.

Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort.
En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive.
Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu.
Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : « Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ? »